François Morellet déjouait avec élégance le mythe romantique de l’art et de l’artiste. « J’ai toujours cherché à réduire au minimum mes décisions subjectives et mon intervention artisanale pour laisser agir librement mes systèmes simples, évidents et de préférence absurdes. »
Cette dernière dimension – l’absurdité mais aussi le hasard et l’humour – éclaire toute la carrière de cet autodidacte. Lorsqu’il jette les bases de son travail artistique au cours des années 1950, il avance par séries en inventant différents systèmes d’arrangement des formes : ce sont ses Répartitions aléatoires, où les formes et les couleurs agissent sur la rétine de manière immédiate, et ses Trames, dont la superposition des lignes chamboule souvent l’espace de la toile. Quinze ans avant le minimalisme, il brandit donc l’étendard d’une peinture neutre et impersonnelle, tout en désamorçant l’esprit de sérieux et en échappant aux dogmes et au formalisme qu’engendre trop souvent ce type d’engagement.
Commence alors l’aventure du GRAV, le Groupement de Recherche d’Art Visuel, où François Morellet stimule la participation du spectateur dans des installations interactives comme ses Aires de jeux ou ses Labyrinthes. C’est à ce moment que le tube de néon fait son apparition dans la production de l’artiste : « C’est un matériau dur et froid qui me plaît, et qui me permet d’utiliser le temps et le rythme. » La peinture et le néon sortent alors de la galerie ou du musée pour venir secouer l’architecture et l’espace public : les Désintégrations architecturales menées par Morellet depuis 1971 s’offrent en effet comme des combats, où le rythme de l’architecte et celui de l’artiste s’affrontent et génèrent des interférences fructueuses. Un principe de friction que connaît bien la ville de Nantes : Morellet y a déjà créé une fontaine au pied de l’espace Jacques-Demy, un angle fluo sur le bâtiment de la Drac (où l’artiste assouvit son penchant pour le penché), une trame basculée pour l’hôtel de Région et, en 2007, une installation monumentale, radicale et éphémère, qui a transformé le cœur du musée des Beaux-Arts en souks de Marrakech revisités par Mondrian. Le tout sur un mode à la fois rigoureux et léger : « Si je crois à quelque chose et très gravement, c’est à la frivolité de l’art et aussi bien sûr au plaisir qu’il procure. »
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Photo © Stéphane Bellanger
Portrait © Éva Prouteau – Revue 303 n° 106, “Estuaire, le paysage l’art et le fleuve”, 2009
POUR ESTUAIRE, FRANÇOIS MORELLET SIGNE DE TEMPS EN TEMPS
ET PORTAIL 0°-90°, 8°-98°