Voiture ou maison boursouflées jusqu’à l’éclatement, combi Volkswagen tordu comme une barre de chewing-gum, sculptures humaines incongrues et fugitives, vêtements-tableaux, l’esprit Wurm mêle dada et sculpture molle, Fluxus, art corporel engagé et pop art.
Depuis la fin des années 1980, il pose dans ses travaux les questions plastiques du contenu et du contenant, de l’espace vide et du volume, de la stabilité et de l’instabilité. Comme l’attestent ses Oneminute sculptures, débutées en 1997 : « Quand j’ai commencé à travailler, ce que l’on entendait traditionnellement par sculpture était une chose en trois dimensions qui devait durer éternellement. Mon sentiment était que la sculpture pouvait aussi ne durer que quelques instants. J’ai donc fait des photos de ces moments-là, et je considère que ces photos sont aussi des sculptures.»
Erwin Wurm les met en place suivant un protocole simple : une personne s’empare d’un vêtement ou d’un objet qui entraîne une pose perturbée, une attitude décalée. À partir de ce répertoire d’accessoires usuels dont il détourne la fonctionnalité, il valorise la plasticité des corps mis en porte-à-faux, ainsi qu’une certaine absurdité latente dans tout geste quotidien.
Le même basculement des apparences s’applique aux sculptures plus « traditionnelles » de l’artiste : leur enveloppe trahit souvent une capacité anthropomorphe à se dilater, s’amollir, enfler, s’arrondir, se bouffir. Débordant leurs limites normées, la Fat Car et la Fat House semblent témoigner de la difficulté de se conformer à leur propre modèle.
Une problématique incarnée également dans la série photographique Instructions for Idleness : ces autoportraits d’Erwin Wurm mal rasé accompagnés d’injonctions à la paresse (« Restez en pyjama toute la journée », « Fumez un joint avant le petit déjeuner »…) fonctionnent comme une mise en abyme caustique des lieux communs répandus sur l’image de l’artiste. Au vu de ces écarts s’éclaire alors une forme de résistance : face au rôle assigné aux êtres et aux objets par le pouvoir, la société ou la force de l’habitude, Erwin Wurm répond par une sculpture de la somatisation, qui se refuse à « rentrer dans le moule ». L’artiste ne renie pas cette lecture existentielle, qu’il dédramatise cependant d’une boutade : « En définitive, l’art traite de la difficulté à faire face à la vie, que ce soit par des moyens philosophiques ou par un régime alimentaire. ».
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www.erwinwurm.at
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Photo © Stéphane Bellanger
Portrait © Éva Prouteau – Revue 303 n° 106, “Estuaire, le paysage l’art et le fleuve”, 2009
POUR ESTUAIRE, ERWIN WURM SIGNE MISCONCEIVABLE